Festval de Honte - L'Express 28-06-10

19/02/2011 18:56

Festival de honte

Raj MEETARBHAN I l était une fois un chauffeur de « Mauritius Telecom » ( MT) qui menait à Triolet une petite vie bien tranquille. Colleur d’affi ches à ses heures perdues, il n’avait aucune activité qui pouvait lui permettre de s’élever de sa condition modeste.

Pourtant, aux dernières nouvelles, il était en Inde négociant un gros « deal » . Il rentre chez lui en Suisse dans quelques jours. Ce conte de fées est, en fait, un cauchemar pour les Mauriciens soucieux du patrimoine foncier national.

Un confrère du journal dominical « l’Hebdo » a parlé à ce fortuné agent politique, Hemant Bangaleea, au téléphone samedi dernier. L’ex- chauffeur confi rme qu’il « possède une fortune » , qu’il compte désormais parmi ses amis « un ministre infl uent » du gouvernement indien, qu’il a été ici- même l’homme de paille de « certaines hautes personnalités » , qu’il vient d’acquérir un « hôtel de luxe cinq- étoiles, le “ Royal Palm Beach Navi” à Mumbai » , et qu’il a en sa possession des documents attestant des transferts d’argent qu’il aurait faits vers un contact mauricien « juste avant les dernières élections générales » . Le tournant pour Hemant Bangaleea survient en 1996. Il aurait alors obtenu un bail pour un terrain de 25 arpents mais aurait cédé ses droits à un homme d’affaires allemand pour Rs 150 millions. Quand la presse fait état du scandale pour la première fois, l’ex- chauffeur de MT nie avoir obtenu cette somme.

Nando Bodha, alors leader de l’opposition, interroge le Premier ministre, en novembre 2006, sur l’affaire.

Celui- ci révèle qu’à son initiative, l’ICAC a ouvert une enquête sur le virement allégué d’une somme de Rs 150 millions sur le compte de Hemant Bangaleea.

Plus de deux ans après, le Premier ministre devait annoncer que « l’ICAC n’a rien trouvé » de compromettant.

Le nom de Bangaleea a défrayé la chronique une nouvelle fois en mars 2009, quand on apprend qu’il « a fait l’objet d’un contrôle de la part des autorités suisses » à Berne. C’est le Premier ministre qui a confi rmé l’information au Parlement à la suite d’une question de l’opposition. Des renseignements obtenus par la presse indiquent qu’il a subi cette tracasserie à la suite d’un retrait de Rs 300 millions d’une banque suisse.

Les péripéties de l’ex- chauffeur de Triolet - qui fréquente désormais les hauts sommets de Suisse - sont assez éloquents pour attirer notre attention sur un incroyable gâchis que constitue le Festival de la terre, un phénomène récurrent depuis l’indépendance. Il donne lieu à une dilapidation de la richesse nationale.

La solution serait de procéder à la vente aux enchères publiques du droit au bail pour les terres de l’Etat. Seuls les riches y accéderont ? Certes, mais au moins les caisses de l’Etat seront renfl ouées.

Edito Express 28-06-2010